Elmer Borlongan - Coffee + cat (2022) , Acrylique sur toile, H 61 x 61cm - Boxed in (2022), Acrylique sur toile, H 61 x 61 cm
Elmer Borlongan - Beast of burden (2020) , Monotype - H 23 x 30,5cm
Une page se tourne dans sa peinture fortement expressive et lourde de sens. Dans la noirceur des temps, l’espoir demeure, à l’image de ces deux amants s’embrassant sous les masques malgré tous les interdits. Ils marquent un temps, annonce le suivant. Bas les masques, comme cet œil perçant derrière sa feuille rouge, peinture prémonitoire de 2015 et aujourd’hui dans une collection privée. Elmer Borlongan continue inlassablement de peindre les histoires de son peuple, celle de leur lutte au quotidien et de leur résilience. C’est pour cela que ses toiles nous touchent, nous bouleversent et nous transpercent. Elles nous parlent de sujets aux résonnances universelles. De la famille, des relations amoureuses, du travail et de la liberté à laquelle il croit en tant qu’artiste et dont il défend ardemment la communauté. Sans jamais en démordre, il a choisi la figuration comme mode d’expression. Quitte à déplaire aux goûts des institutions internationales plus tournées vers le conceptuel, ce qui a valu à nombre de nos peintres, à commencer par Gérard Garouste, d’être longtemps au purgatoire dans l’ère post-duchampienne, avant d’être dignement célébrer dans la magistrale exposition qui se tient actuellement au Centre Pompidou. Toute aussi engagée, la peinture d’Elmer Borlongan est empreinte de messages forts et dérangeants qui sont en résonnance avec notre monde en crise. Artiste de la maturité, très attaché à la culture de son pays, il a pleinement sa place dans l’époque si troublée que nous vivons. Et encore tant à dire, sans compromis, tel un « intranquille » (pour faire référence au livre de Garouste !) en perpétuel questionnement.
Béatrice de Rochebouet
Critique d'art
E L M E R B O R L O N G AN
W H E N T I M E S T O O D S T I L L
S O L O S H O W
Les personnages d’Elmer Borlongan incarnent ces années où « Quand le temps s’est arrêté » (When time stood still), titre de l’exposition à la galerie Géraldine Banier, montrant une quinzaine de nouvelles peintures et monotypes, fêtant l’anniversaire des 75 ans de relations entre la France et les Philippines et présentée, dans ce contexte, par son ambassade. Encore empreints de ceux des rues de Manille, puis des campagnes de Zambales, ceux-ci ont pris une dimension plus intemporelle et universelle après le poids de la pandémie. Cet accrochage est l’occasion de mieux cerner le travail de cet artiste inclassable parmi les plus cotés de sa génération sur le marché asiatique mais encore peu connu en Europe, alors qu’il travaille sans relâche dans son atelier de Zambalès où il compte accueillir des résidences d’artistes.
Texte de Béatrice de Rochebouet //
Que cachent derrière leurs grands yeux en amandes les étranges figures humaines aux crânes chauves et aux membres allongés d’Elmer Borlongan ? Dans des carnations aux teintes irréelles, elles semblent appartenir à un autre monde dans lequel il faut pénétrer, pour découvrir les secrets de leur histoire. Cette histoire est celle qui hante depuis toujours l’âme observatrice, tourmentée et oh combien sensible de cet artiste natif de Manille, aux Philippines, qui transcende les sujets de la vie quotidienne, de la politique et de la société, sous un pinceau bien maîtrisé. Entre méfiance et attirance, on ne peut s’empêcher de plonger dans les regards de ses personnages, tous plus énigmatiques les uns que les autres. L’un flotte en suspens avec un livre dans les mains, l’autre porte des plantes noires qui pourraient le dévorer, un autre encore, tient un arbre plein d’épines comme s’il entamait son chemin de croix.
Réalisée pendant les années Covid, sa nouvelle série est nourrie de ses expériences et observations passées mais se veut plus introspective. « Qu’est-ce qui est important pour chacun après la pandémie que nous avons vécue. Qu’elle est le sens de la vie désormais? », ce sont toutes ces interrogations qui ont amené Elmer Borlongan, 55 ans, visage volontaire animé d’un sourire lumineux, à pousser plus loin son travail. En revenant aux sujets essentiels, à l’image de ce boulanger qui travaille la pâte de ses grandes mains. Ou en prenant un virage tragique, à travers cet homme supportant le poids de la vie dans ses mains, assis dans les airs, à attendre, sous son horloge. Qu’attend aussi, l’homme mélancolique (Melancholia 2020) dans sa bassine d’une eau aussi noire que son corps et que son cœur ? Les couleurs sont sombres comme la puissance des ténèbres des paysages tourmentés d’Evrard Munch, les figures distordues comme les corps torturés d’Egon Schiele que la souffrance triomphante métamorphose en pure beauté.
Elmer Borlongan - Melancholia (2020), Acrylique sur toile - H 122 x 122 cm
Vues de l'exposition When time stood still de Elmer Borlongan
20 SEPTEMBRE - 20 NOVEMBRE 2022
54, RUE JACOB
75006 PARIS