Road Trip(es) est une réponse de Frédéric Garnier à l’invitation de La Porcherie. L’artiste nous présente ses réflexions et ses interrogations sur la crise migratoire actuelle. Ses « marcheurs », ont le pied lourd. Le béton qui les constitue fait référence à ces villes détruites. Il implique la difficulté de ce voyage de survie, au bout duquel ces hommes, ces femmes et ces enfants, deviennent des étrangers. L’humanité empreinte une route jonchée de pièges. L’engagement sur ce chemin est viscéral. La vie prend encore plus la valeur d’un combat quotidien.
Déracinement, émigration, exil. Des thématiques fortes, qui au-delà de leur écho à une douloureuse actualité, entrent en résonnance avec l’histoire familiale de Frédéric Garnier. En mai 1945, la grand-mère de l’artiste, Mila, obtient le statut de réfugiée. Elle a dû quitter sa Croatie natale pour fuir la guerre et le fascisme. Elle mourra en France en 2014, en sécurité, mais toujours « étrangère » car analphabète, et maîtrisant peu la langue de son pays d’accueil. Aujourd’hui encore, toujours plus d’hommes et de femmes abandonnent une vie entière pour tenter de subsister, ailleurs, sans craindre l’emprisonnement, la famine ou l’exécution.
Les œuvres de Frédéric Garnier évoquent une galerie d’ex-votos, comme pour conjurer un mauvais sort, demander une faveur aux divinités. Les moulages de souliers sont autant d’offrandes, de vœux secrets, de témoignages anonymes et muets. Cependant leur réalisme rejoint le macabre, qui n’est pas sans rappeler les moulages humains réalisés au XIXe siècle lors des fouilles archéologiques de Pompéi, cité aux habitants surpris par l’éruption du Vésuve, en l’an 79. Quant aux clous qui transpercent semelles et avant-pieds, ils ne rattachent plus ceux-ci à leur terre natale. Tordus par les sentiers caillouteux, rouillés par une pluie drue, ces pointes sont le reflet d’un calvaire, à l’instar de celui vécu par le Christ dans la Bible, en route pour sa crucifixion.
L’artiste troyen, né en 1970, distille ici et là des clins d’œil à la tradition religieuse ou à l’urbanisme et ses codes de signalisation ; questionne notre propre rapport à nos racines, à notre environnement, et aux autres. Serons-nous les prochains à devoir tout quitter pour parcourir les chemins de l’errance ?
Axel Sourisseau, 2016.
Cette proposition est présentée à la fois à la Porcherie et à la galerie Géraldine Banier. Frédéric Garnier a présenté son travail cette année à ART CONTEXT MIAMI.