« L’homme est un loup pour l’homme », raillait le dramaturge romain Plaute. La célèbre phrase résume à elle seule l’humaine ambivalence, entre pulsion et raison, mise en exergue par Frédéric Garnier dans son œuvre.
L’homo sapiens cache ses travers derrière une civilisation qu’il veut digne, honnête et fréquentable. L’artiste plasticien questionne ici ce refoulement, suggère destruction et chaos inhérents à des motifs manufacturés en apparence symétriques, rationnels et contrôlés. Dissimulation industrielle…
Les titres choisis par l’artiste sont volontiers narquois, voire cyniques : Villa Douce parodie la façade d’une maison sous la forme de plaques de tôles rouillées agrémentés de deux minuscules cactus posés sur une étagère minimaliste ; Eden Garden évoque le serpent du péché originel sans l’arbre ni la pomme, sous la forme d’un tuyau d’arrosage étincelant. L’homme est un animal raisonnable joue sur le jeu sémantique de la traduction d’Aristote, incrustée sur le plateau d’un billot de boucher marqueté : « raisonnable » entendu comme « capable de raisonnement », mais capable du pire, aussi...
 
Voilà donc l’Homme, ceci est l’Humanité : ‘Ecce Homo’. Tirée de l’Evangile selon Saint-Jean, lorsque Ponce Pilate présente Jésus après sa flagellation au peuple de Jérusalem, l’expression est devenue le titre de nombreux tableaux du messie ceint de la couronne d’épines. Frédéric Garnier recrée cette dernière en assemblant des crochets de boucher en inox, telle une relique sacrificielle.
 
L’artiste détourne les symboles, moque les mythes humains au cœur de son atelier de Troyes. Et si notre volonté scientifique de régler la nature, l’inclure dans des systèmes comptables et temporelles était absurde et dérisoire ? Et si le progrès était, comme l’affirmait Jean Cocteau, le développement d’une erreur ? La religion une autre avancée vers la mort ?
« Comme nos respirations, la poésie est ici vaine… »
 
Axel Sourisseau
 

Ecce Homo

22 Mai - 27 Juin 2015