La théorie de l’effet papillon, vulgarisée par le météorologue Edward Lorenz au début des années 1960 démontre qu’une infime variation dans « un système de conditions initiales » provoque un enchaînement d’effets imprévisibles. Il introduisit dans son logiciel de prévisions météorologiques une donnée mathématique présentant une infime variation d’un millième de degré, cela provoqua un schéma complètement différent aux courbes exponentielles décrivant les ailes d’un papillon.
L’effet papillon entre en jeu dans de nombreux domaines et les sociétés humaines en font partie. Mondialisation, hyper connexion, surinformation, autant de constantes qui forment aujourd’hui notre société et les conditions initiales propices à cet engrenage incontrôlé.
Si en 1914, le battement d’aile cristallisé en l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand fut le déclenchement de la première guerre mondiale, un simple tweet provoque aujourd’hui la révolution du Printemps Arabe. La lucidité sur l’Histoire comme un phénomène de réaction chaîne non contrôlable met soudain en lumière notre peur quotidienne du basculement. Combien de gestes, combien de paroles, dont la portée nous échappe ? Détruisons-nous sans nous en apercevoir ?
L’art s’est vite emparé de ces questionnements, utilisant l’effet papillon comme mécanisme narratif, de l’insouciance vers le chaos. Travaux de mémoire, combats intimes, seize artistes explorent aujourd’hui les affres de ce battement d’ailes.
Le processus créatif même s’en nourrit, au-delà des notions de bien et de mal, de positif ou de négatif : les « illuminations », les « révélations », les « inspirations » que l’on évoque invariablement à l’origine d’une œuvre, ne sont autres que les résultantes de flux divers qui dépassent l’esprit humain et les sciences, mais sont sans doute bien déterminées initialement par des éléments précis. Celles-ci ont germées au cours du voyage, modifiant au fur et à mesure sa destination.
Finalement, si les artistes l’exploitent d’une manière particulière, nous en faisons tous l’expérience, de cet effet « lépidoptère » : nous l’appelons le hasard des rencontres, la bonté ou la fatalité du destin, ou encore la chance. Or tels des phénomènes météorologiques, ils révèlent seulement notre incapacité, même armés de satellites, à prévoir de façon certaine le temps qu’il fera demain et de quoi notre vie elle-même sera faite.