Yannick Fournié et Cyril Le Van présentent ensemble leur travail pour la première fois à la galerie Géraldine Banier, et questionnent par des oeuvres réalistes les codes sociaux actuels.
 

Sacs Vuitton, baskets Vans, doudounes Montcler… Les marqueurs sociaux font à tel point partie intégrante de notre vie quotidienne que l’on n’y prête plus attention. Du moins le croit-on. On les adopte afin d’incarner une identité fantasmée et rallier un groupe d’individus dont on se sent proche, tout en s’exposant par ce biais aux préjugés des groupes extérieurs au sien. Des clichés pour des clichés. Le «zonard» en Adidas, casquette New Era vissée sur le crâne, blazer et carré Hermès pour la bourgeoise de Neuilly, les stéréotypes sont innombrables.
 

Yannick Fournié par la peinture, Cyril Le Van par la sculpture, ces deux artistes nés au début des années 1970 présentent à la galerie Géraldine Banier un travail sociologique fort, en lien avec ces questions d’identité. Si le premier a suivi un parcours atypique, notamment par un passage au sein de l’unité de parachutistes de l’armée qui a constitué une expérience « enrichissante, mais douloureuse : rigidité, hiérarchie, violence politique et sociale », le second n’est pas moins familier des disparités socioculturelles. Élevé en banlieue parisienne, il a en a été le témoin, jusqu’à en décomposer ensuite les codes dans son oeuvre.
L’objet, utilisé comme révélateur identitaire, est au centre de la réflexion. Au sein du travail de Cyril Le Van, baskets de marques, pantalons griffés, vestes blasonnées sont aisément reconnaissables, exposés comme dans un magasin atypique. Les matériaux pauvres qui les composent parodient leur fabrication usuellement industrielle et leur apparence parfois luxueuse : l’envie de les posséder ou de les porter est ici devenue un leurre flagrant, décliné, multiplié, envahissant mais fragile. L’artiste utilise également les mises en abîme – notamment par la reprise sur une robe des boîtes de Campbell’s Soup rendues célèbres par Warhol – afin de mettre l’accent sur une société de consommation railleuse qui se nourrit même des critiques émises à son égard.La série Incognito de Yannick Fournié confronte à l’inverse – mais dans une même démarche – le visiteur à des codes qui lui sont cette fois étrangers. La signification des masques qui travestissent les différents personnages reste opaque pour le néophyte. Or il s’agit en l’occurrence d’un signe identitaire essentiel dans le catch mexicain, où chaque sportif possède le sien.
 

Ici, le masque bleu est celui de Blue Demon, une légende au Mexique depuis les années 1950. Le catcheur n’a jamais quitté son masque lors de ses apparitions publiques – jusqu’à être enterré avec lui – dissimulant ainsi à jamais sa véritable identité. A contrario, les protagonistes de la série 3G gardent le visage découvert, dans une attitude totalement désinvolte. Ils sont pourtant tous en possession d’un pistolet, leur seconde main occupée par un téléphone portable.
 
Axel Sourisseau
 

Social Code

30 mai - 29 juin 2013

 

Cyril Le Van / Yannick Fournié