A propos de l'artiste
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T R Ô N E (S)
 
S O L O  S H O W
Khaled Dawwa - Epave ( 2022),  Bronze edition  8 + 4AP,  H 45 x 31 x 30 CM
Puissance de l’archétype
 
Khaled Dawwa ou l’évidence du sens, en somme.  Pour cette raison à la fois éminente, évidente et didactique :
le recours à l’archétype, en l’occurrence celui de l’homme sur le trône.
 
Un personnage sur un trône, quelle que soit la nature de ce dernier, modeste chaise curule romaine, fauteuil de bois mal fignolé de Charlemagne ou chaise à bras en majesté faite d’argent massif de Louis XIV, c’est la personnification du pouvoir.
Pouvoir légitime, illégitime que cette concentration de l’autorité en une même main, un même corps, un même sceptre ? Tout dépend de l’élection. La forme outrée dans laquelle l’artiste syrien inscrit ses figures d’hommes assis sur des trônes, à cet égard, jugule toute hésitation : ceux-ci ont usurpé le pouvoir, ils sont illégitimes.
 
L’archétype, pour l’occasion (le trône que viennent prolonger le thème de l’obésité plus le caractère buté des visages, l’absence totale d’ouverture à autrui que ces derniers manifestent), ne laisse aucun doute, et permet l’universalité du message : le pouvoir, quand il est confisqué, est une maladie, une déviance, une perversion. Une souffrance aussi, pour qui le subit.
 
        Ubu est drôle au théâtre, pas dans la vraie vie.
Une des plus vieilles représentations du souverain en action, l’antique étendard d’Ur, originaire de ce Moyen Orient qui est aussi la patrie de Khaled Dawwa, a recours à la figure du souverain sur le trône pour exprimer le pouvoir : pour l’occasion, le long d’une frise, celle d’un souverain un peu plus grand seulement, sur ce bois sculpté, que les personnages qui l’accompagnent.
La mise en scène d’un leadership tolérable ? On peut le penser.
 
Francis Bacon, pour sa part, maltraite dans plusieurs de ses peintures le pape Innocent X tel que l’a figé Vélasquez, des siècles plus tôt, sur son trône pontifical. Le chef religieux tel que le repeint Bacon hurle, prisonnier de son fauteuil de pouvoir, comme perdu, abandonné de Dieu peut-être. Comme si le pouvoir et sa détention, parfois, ne pouvaient sauver de tout. Le destin funeste qui attend les dictateurs sculptés de Khaled Dawwa ? Formons des vœux.
 

Paul Ardenne
 
Agrégé d'Histoire, docteur en Histoire de l'art, Paul Ardenne (France,1956) est maître de conférences à l'Université Picardie Jules-Verne d'Amiens, écrivain et commissaire d’exposition.
Membre de l’AICA-France (Association internationale des critiques d’art), il collabore notamment depuis 1990 à la revue Art press.
Khaled Dawwa - Sommeil Profond I, 2021 - Bronze edition de 8+ 4ep - H 28 X 19 X 19 cm
La réduction du pouvoir à son plus petit dénominateur commun
 
Les hommes assis sur leur trône de Khaled Dawwa sont plus que de simples sculptures – l’expression, en l’occurrence, d’une obsession. Leur figure est récurrente, sans cesse répétée par l’artiste, réitérée qu’elle est en de multiples formats (de la statuette de bronze à la statue minérale de dimension monumentale). L’artiste, comme saisi par le « monstre », en fait le portrait sans fin, à la fois médusé, hypnotisé et dépendant. Asservi à la figure du maître abusif, donc.
Mais non sans défense, cependant.
 
Regardons de plus près chaque sculpture.
Ses tyrans assis, Khaled Dawwa ne les présente pas à leur avantage, d’abord : porcins, fats, symboles de l’avidité gloutonne et non justifiable. Il imprime sur leur chair sculptée au couteau, de surcroît, des actes de violence (d’autodéfense ?) : partout des trous, des trous, des trous dans la matière sculptée, à l’image d’un acharnement, d’une volonté de crever l’épiderme, de tuer peut-être, sur un mode de revanche et œil pour œil dent pour dent, comme le dit la Bible. Autre intention non forcément amicale de l’artiste envers ses modèles de pierre, de terre ou de bronze : leur position contrainte. Impossible pour eux, semblerait-il, de bouger. Ils ont le trône, c’est entendu, mais en usent-ils ? Prisonniers de leur charge, condamnés à s’accrocher à ce qui n’est pas même le signe de leur légitimité, ce trône mal taillé pour eux, comme usurpé, où ils ont installé une politique elle aussi mal taillée, inconforme à l’attente des êtres de paix, de bien, de liberté et de démocratie. Je ne partage pas, dit l’homme sur le trône tel que le figure Khaled Dawwa, J’y suis j’y reste.
Ce à quoi l’artiste répond, par le biais de son style faussement passif mais en réalité incisif : « Tu y es, tu y restes mais y seras-tu toujours ? Là où tu es, homme de pouvoir illégitime, es-tu bien ? »
Texte de Paul Ardenne //
 
Khaled Dawwa
 
The Game of (Precarious) Thrones
 
Khaled Dawwa s’est fait une signature, notamment, de ses sculptures d’hommes assis sur des trônes. Des mâles à l’apparence peu avenante, en général gros, bouffis, difformes et carrés sur des fauteuils qui semblent trop petits pour eux – ces éléments de mobilier, de façon invariable, peinent à contenir leur masse dégoulinante de chair.
 
Portraits d’hommes surpuissants et avides, de dictateurs politiques ? Chacun y verra qui il veut mais rien à voir avec le sympathique Bacchus du jardin de Boboli à Florence, à l’obésité bienveillante, et libre de ses mouvements, lui.
L’artiste n’en fait pas secret, ses sculptures évoquent la tyrannie, notoirement lorsque le tyran, s’arrogeant autoritairement les pleins pouvoirs, outrepasse ses limites légales jusqu’à l’hypertrophie.
 
Arrivé en France en 2014 par les routes de l’exil (son atelier est à présent à Vanves, en région parisienne), Khaled Dawwa ne privilégie pas sans raison l’hyperbole esthétique.
Il a connu de près les rigueurs de la guerre et la violence de la dictature de Bachar El Assad. Implacable avec ses ennemis politiques (nous sommes alors au début du Printemps arabe), durement réprimé en Syrie par le dirigeant en place, ce régime de fer lui vaudra de séjourner plusieurs semaines en prison dans une cellule surpeuplée où s’assoir, justement, est impossible : le privilège des nantis, des bien placés, ou des chanceux.
Khaled Dawwa - Debout (detail) , 2018, Bronze edition 8+4ap- H 30,5 x 28 x 24 cm
Vues de l'exposition "Trône(s)" de Khaled Dawwa

2 JUIN - 28 AOUT 2022

 

54, RUE JACOB

75006 PARIS